La théorie de la vitre brisée est une théorie établie et publiée en 1982 par George L. Kelling et James Q. Wilson. Elle analyse l’impact de la police sur le sentiment de sécurité, stipulant que ce n’est pas directement la délinquance qui génère un sentiment d’insécurité, mais le sentiment d’insécurité qui permet à la délinquance de s’installer.
Le tout s’appuie sur l’analogie suivante : Si vous laissez une vitre cassée sans la réparer sur un bâtiment, les autres vitres finiront immanquablement par être cassées. Le fait d’avoir laissé cette vitre non réparée cautionne l’idée qu’il n’est pas grave de briser les autres.
Mais alors, quel lien avec l’agilité ?
Cette théorie est finalement un appel à la rigueur. De la même manière qu’il n’est pas recommandé de laisser une vitre brisée ou une voiture brûlée dans votre quartier, faire des concessions, contourner des règles ou s’affranchir de certaines responsabilités peut largement nuire à l’équipe agile et à la qualité du delivery.
Si cette rigueur ne devrait pas être l'apanage d’un contexte agile, elle y tient une place de choix tant la responsabilisation des équipes est clé.
Quelques exemples de dérives à rapidement recadrer pour cultiver l’excellence au sein d’une équipe agile.
Développement logiciel et production de code.
Lorsque l'on développe professionnellement, le triptyque code, tests unitaires et documentation technique est à considérer comme atomique :
- Le code répond à un besoin.
- Les tests assurent l’adéquation au comportement attendu et garantissent la pérennité du développement produit.
- La documentation assure la pérennité de son entretien.
En dehors du cas très particulier du POC (Proof of Concept), à chaque fois qu’il a été accepté des concessions à cette règle d’atomicité, par manque d’expérience, par manque de compétence, ou suite à une pression, la qualité de la production s’est effondrée.
Management visuel
Les équipes agiles se reposent généralement sur un management visuel, qu’il soit physique ou virtuel. Immanquablement, lorsque l’on accepte que celui-ci ne soit pas consciencieusement entretenu, il finit par être considéré comme non-fiable et donc par être abandonné (ou mis sous perfusion par un.e Scrum Master zélé.e qui s’épuisera à pallier le manque d’implication de ses collègues…)
Règles et responsabilisation : fondamentaux d’une équipe “auto-organisée”
Si une équipe agile est une équipe auto-organisée, elle ne s’affranchit pas des règles pour autant. Simplement, il se trouve que les règles suivies par l’équipe sont déterminées par l’équipe elle-même. Les arrangements et contournements tolérés, ne serait-ce que par un seul membre, sont inévitablement destructeurs pour la dynamique d’équipe. Le sens au travail, la motivation et la qualité en sont les premiers à en pâtir.
Réunions, ateliers : ordre du jour et respect du timing.
Lors de la participation à une réunion ou un atelier, il est assez fréquent de ne pas respecter l’ordre du jour. Pire, il est même fréquent d’être invité à des points qui n’ont aucun ordre du jour annoncé. Les conséquences sont immédiates : digressions, désintérêt, non-atteinte des objectifs, appréhension quant à la pertinence des sessions de travail à venir et absentéisme…
Dans la même veine, le respect du timeboxing (temps prédéfini d’un événement) est clé. L’exemple le plus couramment rencontré est peut-être dans le déroulé de daily scrums (ou daily stand-ups). Ces points visent l’efficacité, doivent tenir en 15 minutes et respectent un cadre précis. Pour atteindre ses objectifs en un temps si court, il est indispensable que chacun ait conscience de son rôle et de l’impact d’un retard. Et pourquoi ne pas vous inspirer de SAFe et planifier des “Meet After” dans lesquels les sujets pourront être creusés, mais uniquement avec les personnes concernées ?
La théorie de la vitre brisée a connu un nouveau souffle dans les années 90 en servant de support à la politique du maire de New York (Rudy Giuliani) pour lutter contre la délinquance et la criminalité. Si les enjeux ne sont pas les mêmes au travail, il n’est pas rare d’être les témoins de dérives ou d’omissions. Aussi, s’appuyer sur cette théorie peut être utile à tout manager d’équipes agiles pour faire toucher du doigt l’impact de ces comportements. Rappelons par ailleurs que personne n'est à l'abri d'un écart et qu’il est toujours plus facile d'être vigilant collectivement.